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Revue de l’Institut du Monde et du Développement | 141
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vie nationale que les Chinois ont abandonnée depuis vingt siècles » . Pour
l’auteur, c’est la civilisation européenne avec sa « barbarie militaire » qui cons-
titue en fait une menace pour les autres peuples. Ular estime plus probable une
alliance entre la Russie et la Chine, ce qui représenterait alors un péril russo-
chinois, où la plus forte puissance militaire (la Russie), serait associée à la plus
forte puissance travailleuse (la Chine). Mais après avoir dégonflé le mythe du
péril jaune en le remplaçant par un autre péril, il lui redonne soudain une di-
mension encore plus effrayante en affirmant contre toute logique apparente que
la menace reste bien chinoise. En effet, il explique qu’en imitant les grands
empereurs mongols, les Chinois accapareront le péril jaune au profit de la
Russie pour mieux écraser l’Occident. On débouche donc sur un nouveau péril
jaune ô combien plus redoutable pour la petite Europe.
IX. Il rend le jaune pour avaler le blanc
Le 6 février 1904, le Japon rompt les pourparlers avec la Russie qui refuse
d’évacuer la Mandchourie. En France où l’armée du tsar est donnée comme la
plus puissante du monde, la supériorité militaire du moujik ne fait aucun doute.
On dénonce le « rêve trop opiacé » du Japon qui « veut délivrer le monde jaune
des Européens » et « fonder l’unité de la race sud-asiatique » en devenant la
« Prusse du grand empire d’Extrême-Orient ». On en appelle à la pression des
grandes puissances pour mettre un terme à une « mégalomanie aiguë » qui
« menacerait tout le monde si on lui administrait une forte douche collective ».
La rupture des négociations par le Japon est qualifiée de « provocation extra-
37
vagante » , et on précise que si la Russie se laissait « harponner par une guerre
au fin fond de l’Asie », la partie selon toute probabilité ne serait pas égale, et
pencherait en faveur du moujik. Dans la nuit du 8 février 1904, sans déclara-
tion de guerre préalable, des torpilleurs japonais attaquent deux cuirassés et
un grand croiseur russe dans la rade extérieure de Port-Arthur en Mandchou-
rie. En France, L’Univers souligne l’attitude belliqueuse du Japon et parle
« d’acte de piraterie contre la Russie pacifique qui, ne serait-elle pas l’alliée de
la France, justifierait par son attitude de lui concilier toutes les sympathies ».
Dès le premier coup de canon, le vieux spectre du péril jaune ressort de sa
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boîte . Dans L’ogre d’Orient, le dragon asiatique vomit le peuple nippon sur
39
les côtes coréennes. Légende : « Il rend le jaune pour avaler le blanc » . Dans
Le grand illustré, on retrouve l’image du dragon asiatique vomissant une armée
de Chinois en armes. Cette image intitulée Le péril jaune est accompagnée
36 A. Ular, Un empire russo-chinois, Félix Juven, 1902.
37 La Dépêche, 8 février 1904.
o
38 La Guêpe, n 15, 1904, par Stella. Légende : « Il faudra bien que tu sortes de ta boîte ».
39 Bianco, L'ogre d'Orient, caricature, 1904.
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vie nationale que les Chinois ont abandonnée depuis vingt siècles » . Pour
l’auteur, c’est la civilisation européenne avec sa « barbarie militaire » qui cons-
titue en fait une menace pour les autres peuples. Ular estime plus probable une
alliance entre la Russie et la Chine, ce qui représenterait alors un péril russo-
chinois, où la plus forte puissance militaire (la Russie), serait associée à la plus
forte puissance travailleuse (la Chine). Mais après avoir dégonflé le mythe du
péril jaune en le remplaçant par un autre péril, il lui redonne soudain une di-
mension encore plus effrayante en affirmant contre toute logique apparente que
la menace reste bien chinoise. En effet, il explique qu’en imitant les grands
empereurs mongols, les Chinois accapareront le péril jaune au profit de la
Russie pour mieux écraser l’Occident. On débouche donc sur un nouveau péril
jaune ô combien plus redoutable pour la petite Europe.
IX. Il rend le jaune pour avaler le blanc
Le 6 février 1904, le Japon rompt les pourparlers avec la Russie qui refuse
d’évacuer la Mandchourie. En France où l’armée du tsar est donnée comme la
plus puissante du monde, la supériorité militaire du moujik ne fait aucun doute.
On dénonce le « rêve trop opiacé » du Japon qui « veut délivrer le monde jaune
des Européens » et « fonder l’unité de la race sud-asiatique » en devenant la
« Prusse du grand empire d’Extrême-Orient ». On en appelle à la pression des
grandes puissances pour mettre un terme à une « mégalomanie aiguë » qui
« menacerait tout le monde si on lui administrait une forte douche collective ».
La rupture des négociations par le Japon est qualifiée de « provocation extra-
37
vagante » , et on précise que si la Russie se laissait « harponner par une guerre
au fin fond de l’Asie », la partie selon toute probabilité ne serait pas égale, et
pencherait en faveur du moujik. Dans la nuit du 8 février 1904, sans déclara-
tion de guerre préalable, des torpilleurs japonais attaquent deux cuirassés et
un grand croiseur russe dans la rade extérieure de Port-Arthur en Mandchou-
rie. En France, L’Univers souligne l’attitude belliqueuse du Japon et parle
« d’acte de piraterie contre la Russie pacifique qui, ne serait-elle pas l’alliée de
la France, justifierait par son attitude de lui concilier toutes les sympathies ».
Dès le premier coup de canon, le vieux spectre du péril jaune ressort de sa
38
boîte . Dans L’ogre d’Orient, le dragon asiatique vomit le peuple nippon sur
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les côtes coréennes. Légende : « Il rend le jaune pour avaler le blanc » . Dans
Le grand illustré, on retrouve l’image du dragon asiatique vomissant une armée
de Chinois en armes. Cette image intitulée Le péril jaune est accompagnée
36 A. Ular, Un empire russo-chinois, Félix Juven, 1902.
37 La Dépêche, 8 février 1904.
o
38 La Guêpe, n 15, 1904, par Stella. Légende : « Il faudra bien que tu sortes de ta boîte ».
39 Bianco, L'ogre d'Orient, caricature, 1904.
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