Page 139 - RIMD_2012_3
P. 139
Revue de l’Institut du Monde et du Développement | 139
contre des capitaux, des machines ou des armes ». L’auteur poursuit en expli-
quant que « cela revient à dire que tous ceux qui vivent du travail industriel :
patrons, ouvriers, employés, négociants et leurs familles devront modifier leur
manière de vivre, car les uns perdront tout moyen d’existence et seront forcés
de s’expatrier, et les autres ne recevront plus que des salaires réduits, c’est-à-
dire insuffisants pour leur permettre de conserver leurs anciennes habitudes de
bien-être ». La période de transition entre « l’ancien et le nouvel état de choses
sera fatalement une période de souffrance sociale pour les grandes nations
industrielles de l’Europe ».
L’auteur précise encore que les dirigeants européens, aveuglés par la politique
du « après nous le déluge », ne feront rien pour prendre les mesures nécessaires
visant à éviter ce triste destin. C’est donc une vision pessimiste que nous pro-
pose Edmond Théry, l’Europe n’ayant aucun moyen d’échapper au péril jaune
qu’il nous décrit avec exactitude. Ce péril serait le fruit de l’incapacité des
Européens à surmonter les égoïsmes nationaux et les rivalités par une politique
au jour le jour sans grande vision. Il serait inscrit dans la logique d’un compor-
tement aveuglé par l’unique recherche d’intérêts immédiats. Il est donc en
nous. Cette analyse trouve son entière justification dans la situation actuelle
d’une Europe face à une Asie devenue dominatrice qui s’est lancée dans une
guerre économique en exploitant toutes les faiblesses d’un vieux continent sans
cohésion sociale ni politique, en proie à des rivalités incessantes, et incapable
de se réformer. Ce qui permet à la Chine de surfer « sur la division européenne,
32
jouant un pays contre l’autre » .
VIII. Mariage d’intérêt
Après la guerre des Boxers, alors que les puissances européennes se replongent
dans leurs querelles intérieures et leurs rivalités nationales, par leur situation
géographique, la Russie et le Japon restent face à face, prêts à en venir aux
mains si l’un d’eux prenait une avance trop marquée sur son rival dans la lutte
pour l’hégémonie de la Chine. Pour le Japon, la question est de savoir vers
quel rival, de l’ours ou de la baleine, le portent ses intérêts. Mais Moscou ayant
occupé militairement la Mandchourie sous prétexte d’assurer la protection du
chemin de fer en construction, commerçants et agriculteurs russes s’installent
sur tout le parcours du monstre d’acier, derrière un rideau de soldats. Cette
attitude agressive rapproche le Japon de l’Angleterre et des États-Unis. Le 30
janvier 1902, le Japon signe un traité d’alliance avec l’Angleterre, ce qui
complique les plans de Delcassé, ministre français des Affaires étrangères,
32 Y. Jadot (député vert européen, membre de la commission du Commerce international)
o
in L’Expansion n 769, décembre 2011, p. 43.
RIMD – n o 3 – 2012
contre des capitaux, des machines ou des armes ». L’auteur poursuit en expli-
quant que « cela revient à dire que tous ceux qui vivent du travail industriel :
patrons, ouvriers, employés, négociants et leurs familles devront modifier leur
manière de vivre, car les uns perdront tout moyen d’existence et seront forcés
de s’expatrier, et les autres ne recevront plus que des salaires réduits, c’est-à-
dire insuffisants pour leur permettre de conserver leurs anciennes habitudes de
bien-être ». La période de transition entre « l’ancien et le nouvel état de choses
sera fatalement une période de souffrance sociale pour les grandes nations
industrielles de l’Europe ».
L’auteur précise encore que les dirigeants européens, aveuglés par la politique
du « après nous le déluge », ne feront rien pour prendre les mesures nécessaires
visant à éviter ce triste destin. C’est donc une vision pessimiste que nous pro-
pose Edmond Théry, l’Europe n’ayant aucun moyen d’échapper au péril jaune
qu’il nous décrit avec exactitude. Ce péril serait le fruit de l’incapacité des
Européens à surmonter les égoïsmes nationaux et les rivalités par une politique
au jour le jour sans grande vision. Il serait inscrit dans la logique d’un compor-
tement aveuglé par l’unique recherche d’intérêts immédiats. Il est donc en
nous. Cette analyse trouve son entière justification dans la situation actuelle
d’une Europe face à une Asie devenue dominatrice qui s’est lancée dans une
guerre économique en exploitant toutes les faiblesses d’un vieux continent sans
cohésion sociale ni politique, en proie à des rivalités incessantes, et incapable
de se réformer. Ce qui permet à la Chine de surfer « sur la division européenne,
32
jouant un pays contre l’autre » .
VIII. Mariage d’intérêt
Après la guerre des Boxers, alors que les puissances européennes se replongent
dans leurs querelles intérieures et leurs rivalités nationales, par leur situation
géographique, la Russie et le Japon restent face à face, prêts à en venir aux
mains si l’un d’eux prenait une avance trop marquée sur son rival dans la lutte
pour l’hégémonie de la Chine. Pour le Japon, la question est de savoir vers
quel rival, de l’ours ou de la baleine, le portent ses intérêts. Mais Moscou ayant
occupé militairement la Mandchourie sous prétexte d’assurer la protection du
chemin de fer en construction, commerçants et agriculteurs russes s’installent
sur tout le parcours du monstre d’acier, derrière un rideau de soldats. Cette
attitude agressive rapproche le Japon de l’Angleterre et des États-Unis. Le 30
janvier 1902, le Japon signe un traité d’alliance avec l’Angleterre, ce qui
complique les plans de Delcassé, ministre français des Affaires étrangères,
32 Y. Jadot (député vert européen, membre de la commission du Commerce international)
o
in L’Expansion n 769, décembre 2011, p. 43.
RIMD – n o 3 – 2012

