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Revue de l’Institut du Monde et du Développement | 137
chette fait largement écho à celui de la baïonnette. Si l’appétit russe est écla-
tant, l’émergence du Japon s’apprêtant à lui tenir tête est aussi bien visible.
La position de L’Angleterre empêtrée momentanément dans la guerre du
Transvaal est moins brillante, et les caricaturistes français toujours anglo-
phobes à la suite de l’humiliation de Fachoda, se réjouissent de cette situa-
tion. John Grand-Carteret écrit que dans le dessin satirique de la guerre des
Boxers, certains caricaturistes vont « saluer dans les Boxers les vengeurs des
Boers, applaudir à la levée de ceux qui vont enfin infliger à l’Anglais une
28
correction méritée » . Nous avons ici un bel exemple de rhétorique du talion
par justicier interposé. Si les caricaturistes stigmatisent la colonisation et
l’expansion économique des puissances, certains commentaires de la presse
en dénoncent aussi les méfaits : « Donc, deux humanités face à face, la jaune
et la blanche, très différentes l’une de l’autre par le cours de leur histoire et
l’orientation de leurs idées ; l’une, la jaune, concentrée en elle-même ;
l’autre, la blanche, expansive, très agressive, forcée à se répandre par la faus-
seté même de son principe vital, qui est l’industrie à outrance ; pour ne pas
périr au milieu de toute sa machinerie, de tous ses lainages, draperies, coton-
nades, articles de Paris et de Nuremberg, elle fonce sur l’humanité jaune et
sur l’humanité noire, elle veut les combler, les accabler de ses marchandises,
elle les importune de ses négociants, de ses ingénieurs, de ses missionnaires,
elle travaille à les amener en quelques années (au lieu de quelques siècles) et
pour mieux dire, probablement aussi mêlée d’ivraie que peut l’être la Chi-
noise, mais à part cela fondée dans son ensemble sur plus de science théo-
rique et pratique. Et les Chinois de résister, en toute justice, car tout peuple a
29
droit d’être libre chez lui » . Si la Chine est souvent figurée par un vieillard
aux ongles démesurément longs, image d’un pays rétrograde figé dans son
passé, il est souvent grand et gros, illustration de l’immensité du territoire et
de l’importance de la population. Cette image s’oppose à celle du Japon qui,
par sa combativité et son courage, prépare son entrée dans la cour des grands
les armes à la main. C’est la stagnation qui s’oppose au dynamisme. Quoi
qu’il en soit, comme l’écrit Melchior de Vogué : « l’énigme japonaise ré-
serve à qui la débrouillerait des éclaircissements précieux sur les lois de
l’histoire, sur les destinées futures de la petite planète où nous sommes venus
30
faire un tour » .
inévitable, la première étant résolue à disputer à la seconde sa supériorité coloniale ; la
fève de ce gâteau sera-t-elle un obus chargé à la mélinite ? ».
28 J. Grand-Carteret, Chinois d’Europe et Chinois d’Asie, Montgrédien, 1842.
29 L’almanach, Hachette, 1901.
30 M. de Vogué, Les Annales politiques et littéraires, 24 janvier 1904.
RIMD – n o 3 – 2012
chette fait largement écho à celui de la baïonnette. Si l’appétit russe est écla-
tant, l’émergence du Japon s’apprêtant à lui tenir tête est aussi bien visible.
La position de L’Angleterre empêtrée momentanément dans la guerre du
Transvaal est moins brillante, et les caricaturistes français toujours anglo-
phobes à la suite de l’humiliation de Fachoda, se réjouissent de cette situa-
tion. John Grand-Carteret écrit que dans le dessin satirique de la guerre des
Boxers, certains caricaturistes vont « saluer dans les Boxers les vengeurs des
Boers, applaudir à la levée de ceux qui vont enfin infliger à l’Anglais une
28
correction méritée » . Nous avons ici un bel exemple de rhétorique du talion
par justicier interposé. Si les caricaturistes stigmatisent la colonisation et
l’expansion économique des puissances, certains commentaires de la presse
en dénoncent aussi les méfaits : « Donc, deux humanités face à face, la jaune
et la blanche, très différentes l’une de l’autre par le cours de leur histoire et
l’orientation de leurs idées ; l’une, la jaune, concentrée en elle-même ;
l’autre, la blanche, expansive, très agressive, forcée à se répandre par la faus-
seté même de son principe vital, qui est l’industrie à outrance ; pour ne pas
périr au milieu de toute sa machinerie, de tous ses lainages, draperies, coton-
nades, articles de Paris et de Nuremberg, elle fonce sur l’humanité jaune et
sur l’humanité noire, elle veut les combler, les accabler de ses marchandises,
elle les importune de ses négociants, de ses ingénieurs, de ses missionnaires,
elle travaille à les amener en quelques années (au lieu de quelques siècles) et
pour mieux dire, probablement aussi mêlée d’ivraie que peut l’être la Chi-
noise, mais à part cela fondée dans son ensemble sur plus de science théo-
rique et pratique. Et les Chinois de résister, en toute justice, car tout peuple a
29
droit d’être libre chez lui » . Si la Chine est souvent figurée par un vieillard
aux ongles démesurément longs, image d’un pays rétrograde figé dans son
passé, il est souvent grand et gros, illustration de l’immensité du territoire et
de l’importance de la population. Cette image s’oppose à celle du Japon qui,
par sa combativité et son courage, prépare son entrée dans la cour des grands
les armes à la main. C’est la stagnation qui s’oppose au dynamisme. Quoi
qu’il en soit, comme l’écrit Melchior de Vogué : « l’énigme japonaise ré-
serve à qui la débrouillerait des éclaircissements précieux sur les lois de
l’histoire, sur les destinées futures de la petite planète où nous sommes venus
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faire un tour » .
inévitable, la première étant résolue à disputer à la seconde sa supériorité coloniale ; la
fève de ce gâteau sera-t-elle un obus chargé à la mélinite ? ».
28 J. Grand-Carteret, Chinois d’Europe et Chinois d’Asie, Montgrédien, 1842.
29 L’almanach, Hachette, 1901.
30 M. de Vogué, Les Annales politiques et littéraires, 24 janvier 1904.
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