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Revue de l’Institut du Monde et du Développement | 133
IV. Le discours des Huns
Pendant que les puissances se font accorder des territoires en Chine, les sino-
logues racontent l’histoire des sociétés secrètes qui y pullulent comme celles
du « Grand Couteau » et du « Poing de l’Harmonie publique » ou « Boxers ».
Les membres de ces sectes croient se rendre invulnérables par
l’autosuggestion et l’emploi de formules magiques. Il s’agit d’un mouvement
de révolte contre l’envahisseur étranger qui froisse et surexcite le sentiment
national des Chinois dont les slogans résument le programme : « Défense du
trône, extermination des Blancs, mort aux Blancs et aux chrétiens ». Au mois
de mai 1900, des placards collés sur les murs de Pékin prédisent les mas-
sacres pour le début de la cinquième lune. La mobilisation des masses popu-
laires chinoises, « d’autant plus inquiétante qu’elle est plus mystérieuse et
qu’elle s’ignore davantage elle-même, produit dans le monde un sentiment
d’angoisse comparable à celui qui précède l’apparition de l’un de ces phé-
20
nomènes naturels que nul pouvoir humain ne saurait maîtriser » . Le 11 juin,
une colonne internationale d’environ 2000 hommes, commandée par l’amiral
Seymour, quitte Tien-Tsin pour Pékin avec mission d’y protéger les léga-
tions. Très vite encerclée par les Chinois, elle subit de lourdes pertes. Puis
une foule hurlante et fanatisée se rue sur les légations qui s’organisent pour
résister aux assauts. Le 19 juin, l’ambassadeur d’Allemagne Von Ketteler est
assassiné. Guillaume II en profite alors pour prendre une attitude tragique et
faire accepter un maréchal allemand comme chef de l’expédition internatio-
nale. Ce dernier, le maréchal de Waldersee symbolise aux yeux de
l’empereur d’Allemagne, le chef des nations civilisées terrassant Bouddha et
luttant contre le péril jaune. L’expédition internationale comprend des con-
tingents européens, américains et japonais. Sur le terrain, le 17 juin, les forts
de Takou sont pris par les alliés, et une colonne est envoyée pour secourir
Tien-Tsin. Dans la caricature allemande, c’est sans merci que les Boxers sont
châtiés par le fameux gantelet de fer allemand. La résistance des Chinois lors
de la conquête de Tien-Tsin surprend. On envisage alors d’envoyer une force
de cent mille hommes en Chine. En Allemagne, perché sur une estrade en
bois, Guillaume II gesticule en s’adressant à ses troupes avant leur départ. Il
leur recommande, à l’instar d’Attila, de tout massacrer sur leur passage :
« Sachez que vous allez rencontrer un ennemi rusé, cruel et bien armé !
Faites-lui face et battez-le ! Point de quartier ! Tuez-les quand ils tomberont
entre vos mains ! De même qu’il y a mille ans les Huns, sous le roi Attila, se
firent un renom qui résonne encore terriblement dans la légende et dans la
fable, faites que le nom des Allemands résonne pendant mille ans dans
20 R. Pinon, La lutte pour le pacifique, 1906, Perrin.
RIMD – n o 3 – 2012
IV. Le discours des Huns
Pendant que les puissances se font accorder des territoires en Chine, les sino-
logues racontent l’histoire des sociétés secrètes qui y pullulent comme celles
du « Grand Couteau » et du « Poing de l’Harmonie publique » ou « Boxers ».
Les membres de ces sectes croient se rendre invulnérables par
l’autosuggestion et l’emploi de formules magiques. Il s’agit d’un mouvement
de révolte contre l’envahisseur étranger qui froisse et surexcite le sentiment
national des Chinois dont les slogans résument le programme : « Défense du
trône, extermination des Blancs, mort aux Blancs et aux chrétiens ». Au mois
de mai 1900, des placards collés sur les murs de Pékin prédisent les mas-
sacres pour le début de la cinquième lune. La mobilisation des masses popu-
laires chinoises, « d’autant plus inquiétante qu’elle est plus mystérieuse et
qu’elle s’ignore davantage elle-même, produit dans le monde un sentiment
d’angoisse comparable à celui qui précède l’apparition de l’un de ces phé-
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nomènes naturels que nul pouvoir humain ne saurait maîtriser » . Le 11 juin,
une colonne internationale d’environ 2000 hommes, commandée par l’amiral
Seymour, quitte Tien-Tsin pour Pékin avec mission d’y protéger les léga-
tions. Très vite encerclée par les Chinois, elle subit de lourdes pertes. Puis
une foule hurlante et fanatisée se rue sur les légations qui s’organisent pour
résister aux assauts. Le 19 juin, l’ambassadeur d’Allemagne Von Ketteler est
assassiné. Guillaume II en profite alors pour prendre une attitude tragique et
faire accepter un maréchal allemand comme chef de l’expédition internatio-
nale. Ce dernier, le maréchal de Waldersee symbolise aux yeux de
l’empereur d’Allemagne, le chef des nations civilisées terrassant Bouddha et
luttant contre le péril jaune. L’expédition internationale comprend des con-
tingents européens, américains et japonais. Sur le terrain, le 17 juin, les forts
de Takou sont pris par les alliés, et une colonne est envoyée pour secourir
Tien-Tsin. Dans la caricature allemande, c’est sans merci que les Boxers sont
châtiés par le fameux gantelet de fer allemand. La résistance des Chinois lors
de la conquête de Tien-Tsin surprend. On envisage alors d’envoyer une force
de cent mille hommes en Chine. En Allemagne, perché sur une estrade en
bois, Guillaume II gesticule en s’adressant à ses troupes avant leur départ. Il
leur recommande, à l’instar d’Attila, de tout massacrer sur leur passage :
« Sachez que vous allez rencontrer un ennemi rusé, cruel et bien armé !
Faites-lui face et battez-le ! Point de quartier ! Tuez-les quand ils tomberont
entre vos mains ! De même qu’il y a mille ans les Huns, sous le roi Attila, se
firent un renom qui résonne encore terriblement dans la légende et dans la
fable, faites que le nom des Allemands résonne pendant mille ans dans
20 R. Pinon, La lutte pour le pacifique, 1906, Perrin.
RIMD – n o 3 – 2012

