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130 | Le péril jaune est en nous

Arthur, principale forteresse de Mandchourie convoitée par les Russes. Le 12
février 1895, la forteresse de Weï-Haï-Weï capitule à son tour. Le 23 mars,
une armée japonaise débarque à Formose. L’effondrement de la Chine est
total. Dans la presse française, on évoque déjà l’image des Japonais démon-
trant qu’ils ne sont inférieurs à aucun peuple de la vieille Europe, comme
s’ils étaient enfin devenus civilisés par l’apprentissage dans l’art de tuer. Par
le traité de Shimonoseki du 16 avril 1895, la Chine qui reconnaît
l’indépendance de la Corée, cède au Japon la presqu’île de Liao-Toung avec
Port-Arthur, l’île de Formose et les îles Pescadores. Aussitôt, une entente
russo-allemande impliquant la France est conclue. Quant à la Grande-
Bretagne, elle se range aux côtés du Mikado. Le 24 avril 1895, les trois puis-
sances présentent un ultimatum à MutsuHito lui conseillant amicalement de
modérer ses exigences vis-à-vis de la Chine, sous prétexte de protéger
l’intégrité de son territoire. Deux jours plus tard, Guillaume II écrit à Nicolas
II que : « la grande tâche qui s’imposera dans l’avenir à la Russie sera de sou-
tenir la cause de la civilisation dans le continent asiatique et de défendre
l’Europe contre l’offensive de la puissante race jaune […], et j’espère que
puisque je t’aiderai volontiers à réaliser les annexions territoriales qui pour-
raient être éventuellement nécessaires pour la Russie, tu accepteras avec bien-
veillance que l’Allemagne acquière un port en quelque endroit, là où cela ne te
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gênera point » . La prétendue doctrine d’intégrité de la Chine pour modérer
les exigences du Japon, n’est donc qu’un prétexte pour y favoriser de futures
annexions de territoire. Le 5 novembre 1895, à contrecoeur, et sous le masque
d’une extrême politesse, le Mikado s’incline et rend à la Chine la presqu’île
de Liao-Toung, dont Port-Arthur. Les Japonais dont l’orgueil patriotique est
exalté, se voient ainsi voler le fruit de leur éclatante victoire, et cette reculade
sous la pression étrangère, est ressentie comme une profonde humiliation.
D’où une rancune tenace qui sera à l’origine de la guerre russo-japonaise de
1904-1905. L’indemnité de guerre versée par la Chine au Japon est alors
employée au renforcement de l’armée de terre et de la marine.
Profondément impressionné par l’efficacité de l’armée japonaise et de sa
marine, Guillaume II souffle à Nicolas II l’idée de servir de défenseur de la
croix : « L’Europe doit t’être reconnaissante d’avoir si rapidement compris le
grand rôle que doit jouer la Russie dans la cause de l’introduction de la cul-
ture en Asie, de la défense de la Croix et de la vieille civilisation européenne
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chrétienne contre l’envahissement des Mongols et du bouddhisme » . Dans
sa lettre du 26 septembre 1895 à Nicolas II, il explique enfin son idée d’un
dessin figurant l’union des puissances européennes contre le péril jaune :


15 Guillaume II, Lettre à Nicolas II du 26 avril 1895.
16 Guillaume II, Lettre à Nicolas II du 10 juillet 1895.


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