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140 | Le péril jaune est en nous
contraint de ménager à la fois l’alliance avec la Russie et la future alliée
britannique. L’alliance avec l’Angleterre exalte l’orgueil national des Japo-
nais en hissant définitivement le pays au rang des puissances de premier
plan. Sur un dessin intitulé Mariage d’intérêt, le gros Édouard VII s’apprête
à passer l’anneau nuptial au petit singe japonais déguisé en soldat traînant un
33
bateau à roulettes accroché au bout de sa queue . Nous avons ici une repré-
sentation du Japonais « singe imitateur » ayant jeté sur ses épaules des dé-
froques nouvelles et construisant une armée toute de façade comme l’écrit
Léon Daudet : « Nous le retrouvons sur ses torpilleurs tel qu’à sa table de
ciseleur, patient, précis et appliqué, sans envolée, beaucoup plus vaniteux
qu’autrefois, puisqu’il est pareil à un petit garçon armé jusqu’aux dents avec
lequel comptent les grandes personnes. Sa diplomatie, son armée et sa flotte
tomberont dans tous les pièges de l’outrecuidance, comme ces personnages
34
de Paul Bourget qui ont brûlé volontairement les étapes » . De leur côté,
n’oubliant pas comment leur fut volé le fruit de leur victoire, en accord avec
les réformateurs de l’Empire du Milieu, les Japonais se sont infiltrés en Chine
pour diffuser le nouveau savoir occidental et préparer la conquête du pays.
Guillaume II qui s’inquiète de l’influence japonaise en Chine, écrit le 2 sep-
tembre 1902 à son « bien cher Nikki » : « La nouvelle d’après laquelle le géné-
ral japonais Ismaï – ancien commandant des troupes japonaises en Chine – est
envoyé à l’ambassade japonaise à Pékin pour diriger la réorganisation de
l’armée chinoise, c’est-à-dire dans le but voilé de chasser de la Chine tous les
autres étrangers, est une très grave nouvelle. Vingt à trente millions de Chinois
instruits, aidés par une demi-douzaine de divisions japonaises et commandés
par des officiers japonais exécrant avec une ardeur non contenue les chrétiens,
tel est l’avenir que nous devons prévoir et il est de nature à nous alarmer pro-
fondément : car c’est l’avènement effectif de ce danger jaune que j’ai signalé il
y a quelques années et non sans m’exposer aux railleries du plus grand
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nombre » . L’empereur d’Allemagne confirme bien que son tableau sur le péril
jaune a trouvé peu d’écho favorable, ce que nous enseignait la caricature qui
s’est surtout focalisée sur les rivalités entre les grandes puissances occupées au
démembrement du dragon chinois.
Tous ne partagent donc pas les inquiétudes du Kaiser. Alexandre Ular réfute la
menace d’une invasion massive de l’Europe par les masses chinoises : « Croire
que le péril jaune consiste dans la possibilité pour la nation chinoise d’adopter
la barbarie militaire européenne afin de noyer l’Occident sous les flots d’une
immense et irrésistible invasion brutale, c’est se baser sur une conception de la
33 Caricature non signée, Mariage d'intérêt, Sté. Jouglas, Paris, vers 1902.
34 H. Galli, La guerre en Extrême-Orient, p. 21.
35 Lettre de Guillaume II à Nicolas II du 2 septembre 1902.
RIMD – n o 3 – 2012
contraint de ménager à la fois l’alliance avec la Russie et la future alliée
britannique. L’alliance avec l’Angleterre exalte l’orgueil national des Japo-
nais en hissant définitivement le pays au rang des puissances de premier
plan. Sur un dessin intitulé Mariage d’intérêt, le gros Édouard VII s’apprête
à passer l’anneau nuptial au petit singe japonais déguisé en soldat traînant un
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bateau à roulettes accroché au bout de sa queue . Nous avons ici une repré-
sentation du Japonais « singe imitateur » ayant jeté sur ses épaules des dé-
froques nouvelles et construisant une armée toute de façade comme l’écrit
Léon Daudet : « Nous le retrouvons sur ses torpilleurs tel qu’à sa table de
ciseleur, patient, précis et appliqué, sans envolée, beaucoup plus vaniteux
qu’autrefois, puisqu’il est pareil à un petit garçon armé jusqu’aux dents avec
lequel comptent les grandes personnes. Sa diplomatie, son armée et sa flotte
tomberont dans tous les pièges de l’outrecuidance, comme ces personnages
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de Paul Bourget qui ont brûlé volontairement les étapes » . De leur côté,
n’oubliant pas comment leur fut volé le fruit de leur victoire, en accord avec
les réformateurs de l’Empire du Milieu, les Japonais se sont infiltrés en Chine
pour diffuser le nouveau savoir occidental et préparer la conquête du pays.
Guillaume II qui s’inquiète de l’influence japonaise en Chine, écrit le 2 sep-
tembre 1902 à son « bien cher Nikki » : « La nouvelle d’après laquelle le géné-
ral japonais Ismaï – ancien commandant des troupes japonaises en Chine – est
envoyé à l’ambassade japonaise à Pékin pour diriger la réorganisation de
l’armée chinoise, c’est-à-dire dans le but voilé de chasser de la Chine tous les
autres étrangers, est une très grave nouvelle. Vingt à trente millions de Chinois
instruits, aidés par une demi-douzaine de divisions japonaises et commandés
par des officiers japonais exécrant avec une ardeur non contenue les chrétiens,
tel est l’avenir que nous devons prévoir et il est de nature à nous alarmer pro-
fondément : car c’est l’avènement effectif de ce danger jaune que j’ai signalé il
y a quelques années et non sans m’exposer aux railleries du plus grand
35
nombre » . L’empereur d’Allemagne confirme bien que son tableau sur le péril
jaune a trouvé peu d’écho favorable, ce que nous enseignait la caricature qui
s’est surtout focalisée sur les rivalités entre les grandes puissances occupées au
démembrement du dragon chinois.
Tous ne partagent donc pas les inquiétudes du Kaiser. Alexandre Ular réfute la
menace d’une invasion massive de l’Europe par les masses chinoises : « Croire
que le péril jaune consiste dans la possibilité pour la nation chinoise d’adopter
la barbarie militaire européenne afin de noyer l’Occident sous les flots d’une
immense et irrésistible invasion brutale, c’est se baser sur une conception de la
33 Caricature non signée, Mariage d'intérêt, Sté. Jouglas, Paris, vers 1902.
34 H. Galli, La guerre en Extrême-Orient, p. 21.
35 Lettre de Guillaume II à Nicolas II du 2 septembre 1902.
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