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Revue de l’Institut du Monde et du Développement | 45

gouvernance. Les gouvernements bénéficiaires ont limité ce risque de différentes
façons, parfois en gérant plusieurs stratégies en parallèle. Au Burkina Faso
comme au Mali, par exemple, des stratégies présidentielles visant
l’« émergence » coexistent tant bien que mal avec les stratégies de lutte contre la
pauvreté, qui sont plutôt considérées comme des documents à usage externe.

B. Un dialogue pas encore assez inclusif
L’aide budgétaire est généralement discutée par le(s) bailleur(s) de fonds avec le
ministère des Finances, qui reçoit l’aide budgétaire et l’utilise ensuite dans le
cadre budgétaire normal. Cette façon de faire présente une très bonne adéquation
avec l’idée d’appropriation mise en avant par la Déclaration de Paris. Elle tient
compte de la fongibilité de l’aide, et laisse le processus démocratique normal
régler la question des allocations budgétaires sectorielles (en intégrant
l’ensemble des ressources disponibles). Elle utilise les procédures budgétaires
normales, ce qui devrait inciter à les améliorer en cas de dysfonctionnements.
En pratique, le dialogue politique se limite assez souvent au ministère des Fi-
nances qui reçoit l’argent et le gère au sein du budget. (le FMI servant de garant
de la « stabilité macroéconomique »). En fait, le dialogue se noue rarement avec
le « ministère des Finances » en tant que tel, au sens où les directions « pé-
rennes » comme la direction du budget ou du Trésor seraient impliquées dans les
discussions. Souvent, une cellule spéciale est créée, soit au sein du ministère des
Finances, soit auprès de la Présidence ou du Premier ministre, pour mener les
discussions autour de l’aide budgétaire (souvent après avoir suivi les pro-
grammes d’ajustement structurel). Cela pose un problème, dans la mesure où les
directions pérennes du ministère des Finances sont dépossédées d’une partie de
leurs prérogatives, et dans la mesure où une telle organisation complexifie la
structure administrative, crée des doublons, voire des écrans entre les PTF et les
« vrais » décideurs.
Comme les procédures de gestion de l’aide budgétaire sont souvent assez com-
plexes, cette cellule est constituée de cadres expérimentés connaissant parfaite-
ment les contraintes et le langage des PTF. Ils sont parfois épaulés par des assis-
tants techniques. Ces cadres nationaux sont fréquemment recrutés par les PTF
dans leurs agences nationales pour leur capacité à « mener le dialogue » en
s’appuyant à la fois sur leur connaissance intime de l’administration nationale,
des procédures des PTF et de leurs éléments de langage. Enfin, les personnels de
ses structures vivent parfois assez mal leur situation, pris en l’enclume et le mar-
teau, considérés par les PTF comme les « interlocuteurs représentatifs de
l’administration locale », et par les autres directions du ministère comme des
« porte-parole des PTF »
Le fait que le ministère des Finances joue un rôle central le conduit à utiliser à
son tour la conditionnalité comme un instrument pour inciter les ministères tech-
niques à effectuer les actions qui sont attendues d’eux. C’est pourquoi les minis-


RIMD – n o 2 – 2011
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