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44 | Aide budgétaire. Requiescat in Pace ?

idée peut conduire à des gaspillages si les ressources ainsi libérées dépassent la
capacité d’absorption du secteur (et être inefficaces dans le cas inverse). La vo-
lonté des PTF de surveiller étroitement ces dépenses pour éviter les détourne-
ments a eu cette conséquence absurde d’allouer un temps considérable à analyser
en détail des dépenses complètement marginales par rapport au budget total (la
gestion de PPTE au Cameroun est un cas emblématique de ce genre de dérive).

II. L’aide budgétaire globale accroît-elle l’efficacité de l’aide ? Le dialogue
et l’alignement sur les politiques

Comme nous l’avons noté, l’aide budgétaire globale est mise en avant par la
Déclaration de Paris, mais d’une façon vague, sans doute nécessaire pour at-
teindre un consensus. Suivant la logique de cette déclaration, accroître
l’efficacité de l’aide suppose en premier lieu que les PTF utilisent comme réfé-
rence la politique nationale de lutte contre la pauvreté, qu’ils s’alignent sur les
priorités de cette politique et coordonnent leurs appuis pour éviter les redon-
dances dues à la fragmentation de l’aide.
Le fait que l’aide budgétaire globale soit explicitement destinée à soutenir une
politique publique du gouvernement bénéficiaire va dans le sens souhaité par la
Déclaration de Paris, mais cela ne va pas sans soulever en pratique de nombreux
problèmes.

A. Dialogue : ownership ou écho ?
La référence, telle que la dépeint la Déclaration de Paris, et avant elle, le Com-
prehensive Development Framework de la Banque Mondiale, serait un dialogue
autour d’une politique déterminée de façon autonome par les « pays » (le gou-
vernement, en relation avec la société civile et la communauté des bailleurs de
fonds). Le dialogue permettrait alors de mettre en place un cadre d’échanges
pour affiner, suivre et encourager ces politiques. Un des objectifs est de favoriser
une coordination interministérielle au sein de l’administration du pays bénéfi-
ciaire, ainsi que le débat démocratique sur les allocations budgétaires.
La réalité est souvent encore assez loin de cet idéal, car les stratégies affichées
portent souvent la marque des interventions extérieures (et il est difficile de faire
autrement dans des pays où une grande partie des dépenses publiques est finan-
cée par les PTF). Cela limite singulièrement la portée de cet accent mis sur
l’appropriation (Raffinot 2010), conduisant Bergamaschi (2007) à forger
l’oxymore de « donor driven ownership ».
Évidemment, le caractère intrusif de la discussion portant sur les politiques les
plus centrales d’États relativement fragiles risque de limiter l’enthousiasme des
gouvernements bénéficiaires (Hirsman et Bird 1968 avaient déjà mentionné cette
difficulté). Des tensions apparaissent si les PTF cherchent à s’immiscer un peu
trop dans la mise en œuvre des politiques, notamment dans le domaine de la



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