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Revue de l’Institut du Monde et du Développement | 43
(même s’il est ciblé sur certaines dépenses de fonctionnement) accroîtra donc en
fait les dépenses en capital. Ceci risque encore d’accroître le montant des dé-
penses en capital insoutenables du fait de l’impossibilité de financer les dépenses
récurrentes.
D. L’aide budgétaire globale a été adoptée en grande partie à cause des
problèmes rencontrés avec les autres instruments d’aide
L’aide projet qui dominait avant la mise en place de l’aide budgétaire présente
des inconvénients qu’il est bon de rappeler pour relativiser les critiques que nous
allons analyser dans les parties suivantes. Un problème récurrent est la lenteur
des décaissements liés aux projets, qui se traduit finalement par des taux de dé-
caissements très faibles (notamment en raison de procédures différentes des
procédures nationales, de la mise en place d’unités de gestion de projets, etc.)
L’idée que l’argent des bailleurs de fonds est mieux protégé par les projets est
largement illusoire. Nombre de détournements ont été constatés sur des projets,
et la possibilité de faire financer la même activité par plusieurs PTF est une des
failles par lesquelles se développe la corruption.
Mais le principal problème de l’aide-projet est l’absence de pérennité. Beaucoup
de projets en fait ne correspondent pas aux préférences des bénéficiaires, ou à
leurs capacités financières en termes de coûts récurrents (leur raison d’être est
même parfois de suppléer au manque de financement des dépenses courantes).
En conséquence, ils s’arrêtent dès que cesse le financement extérieur. Souvent,
après quelques années, les effets disparaissent, mais cela n’est pas perçu par les
évaluations lorsqu’elles se situent immédiatement après la fin du projet. Dans la
vallée des Voltas (Burkina Faso), par exemple, on ne peut plus percevoir de
différences entre les villages qui faisaient partie du projet de la commission eu-
ropéenne et les autres. Des exemples de ce type se comptent par milliers.
Le gaspillage des ressources qui en résulte n’est pas moins dommageable que la
corruption. Il est lié à la faible efficacité de l’aide-projet dans le temps, ainsi
qu’au fait que ces projets morcèlent l’administration publique (écartelée entre
des dizaines voire des centaines de cellules de gestion de projet), engendrant des
activités redondantes de gestion, de suivi et de contrôle. Le coût de ces gaspil-
lages n’a pas été chiffré à notre connaissance. L’expérience pratique la plus su-
perficielle montre cependant qu’il est probablement aussi, sinon plus élevé que
celui de la corruption.
De façon plus générale, le financement de projets crée des distorsions dans les
choix publics des pays receveurs, puisque les projets financés correspondent
surtout aux priorités des bailleurs de fonds. Ceci est également le cas lorsque
l’on cherche à favoriser le financement de secteurs particuliers, comme le faisait
l’initiative PPTE (pays pauvres très endettés). L’idée que l’argent libéré par les
réductions de dette doive aller à des secteurs particuliers comme l’éducation
primaire ou la santé de base peut paraître a priori raisonnable. En pratique, cette
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(même s’il est ciblé sur certaines dépenses de fonctionnement) accroîtra donc en
fait les dépenses en capital. Ceci risque encore d’accroître le montant des dé-
penses en capital insoutenables du fait de l’impossibilité de financer les dépenses
récurrentes.
D. L’aide budgétaire globale a été adoptée en grande partie à cause des
problèmes rencontrés avec les autres instruments d’aide
L’aide projet qui dominait avant la mise en place de l’aide budgétaire présente
des inconvénients qu’il est bon de rappeler pour relativiser les critiques que nous
allons analyser dans les parties suivantes. Un problème récurrent est la lenteur
des décaissements liés aux projets, qui se traduit finalement par des taux de dé-
caissements très faibles (notamment en raison de procédures différentes des
procédures nationales, de la mise en place d’unités de gestion de projets, etc.)
L’idée que l’argent des bailleurs de fonds est mieux protégé par les projets est
largement illusoire. Nombre de détournements ont été constatés sur des projets,
et la possibilité de faire financer la même activité par plusieurs PTF est une des
failles par lesquelles se développe la corruption.
Mais le principal problème de l’aide-projet est l’absence de pérennité. Beaucoup
de projets en fait ne correspondent pas aux préférences des bénéficiaires, ou à
leurs capacités financières en termes de coûts récurrents (leur raison d’être est
même parfois de suppléer au manque de financement des dépenses courantes).
En conséquence, ils s’arrêtent dès que cesse le financement extérieur. Souvent,
après quelques années, les effets disparaissent, mais cela n’est pas perçu par les
évaluations lorsqu’elles se situent immédiatement après la fin du projet. Dans la
vallée des Voltas (Burkina Faso), par exemple, on ne peut plus percevoir de
différences entre les villages qui faisaient partie du projet de la commission eu-
ropéenne et les autres. Des exemples de ce type se comptent par milliers.
Le gaspillage des ressources qui en résulte n’est pas moins dommageable que la
corruption. Il est lié à la faible efficacité de l’aide-projet dans le temps, ainsi
qu’au fait que ces projets morcèlent l’administration publique (écartelée entre
des dizaines voire des centaines de cellules de gestion de projet), engendrant des
activités redondantes de gestion, de suivi et de contrôle. Le coût de ces gaspil-
lages n’a pas été chiffré à notre connaissance. L’expérience pratique la plus su-
perficielle montre cependant qu’il est probablement aussi, sinon plus élevé que
celui de la corruption.
De façon plus générale, le financement de projets crée des distorsions dans les
choix publics des pays receveurs, puisque les projets financés correspondent
surtout aux priorités des bailleurs de fonds. Ceci est également le cas lorsque
l’on cherche à favoriser le financement de secteurs particuliers, comme le faisait
l’initiative PPTE (pays pauvres très endettés). L’idée que l’argent libéré par les
réductions de dette doive aller à des secteurs particuliers comme l’éducation
primaire ou la santé de base peut paraître a priori raisonnable. En pratique, cette
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