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50 | Aide budgétaire. Requiescat in Pace ?

Malheureusement, le suivi et l’évaluation de l’aide budgétaire se heurtent à une
difficulté majeure : comment montrer que les améliorations constatées sont bien
liées à l’aide budgétaire, alors que théoriquement, ce sont les politiques mêmes
du gouvernement qui sont mises en œuvre et que les ressources sont fongibles ?
Comment vérifier qu’il y a une efficacité propre de l’aide budgétaire ? Que le
pays n’aurait pas atteint les résultats obtenus de toute façon, puisque le postulat
de départ est que ce sont ses propres objectifs qu’il poursuit avec le soutien de
l’aide budgétaire ? Enfin, l’amélioration des politiques en fonction des résultats
obtenus se situe nécessairement dans le « temps long ». Il est donc malaisé de
chercher à évaluer des évolutions à court terme.

A. Suivi : viser le long terme, utiliser les indicateurs avec du recul

Le suivi repose en pratique sur une matrice regroupant des indicateurs. La ma-
nière dont ces indicateurs sont choisis, programmés dans la période de décaisse-
ment de l’aide budgétaire, suivis et utilisés (éventuellement pour arrêter un pro-
gramme, ou pour en moduler le montant) pose des problèmes extrêmement com-
plexes – surtout lorsque ces indicateurs sont utilisés comme déclencheurs des
décaissements.
La manipulation des données est évidemment tentante pour les gouvernements
récipiendaires. Mais dans certains cas, les pays récipiendaires se sont montrés
plutôt plus sévères que les PTF (Burkina Faso pour l’aide budgétaire globale,
Vietnam pour les Politiques de lutte contre le Changement climatique), même
quand cela conduit à une réduction des décaissements.
À la base, le problème de la production des informations semble avoir été large-
ment sous-estimé. Il est parfois difficile de retracer l’origine des données et leur
mode d’élaboration. En effet, un même indicateur peut être produit par diffé-
rentes sources, avec des résultats généralement différents. Le taux de scolarisa-
tion, par exemple, peut être calculé par une procédure administrative (en divisant
par le nombre estimé d’enfants dans une classe d’âge donnée), mais aussi par
enquête – et les résultats sont rarement identiques, et n’évoluent pas nécessaire-
ment dans le même sens.
Cette difficulté est renforcée par le fait que les PTF ont tendance à considérer
que les chiffres fournis « mesurent » les phénomènes. Si ceci peut être valable
pour des données budgétaires (à condition de bien préciser ce dont on parle, ce
qui n’est pas toujours le cas), les données issues d’enquêtes ou même de proces-
sus administratifs de routine sont nécessairement entachées d’erreurs. Idéale-
ment, elles devaient être fournies avec une marge d’erreur correspondant à une
certaine probabilité de se situer dans la fourchette donnée. Dans le cadre de
l’aide budgétaire, on constate souvent une sorte de « sacralisation » du chiffre,
qui conduit à fixer des objectifs de progression des indicateurs qui ne tiennent
pas compte des marges d’erreur, et peuvent donc se situer à l’intérieur de la four-
chette (les accroissements ou diminutions ne sont pas significatifs du point de


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