Page 43 - RIMD_2012_3
P. 43
Revue de l’Institut du Monde et du Développement | 43

à condition, résumable en ces termes : « Nous ne vous aiderons à vous déve-
lopper qu’à la condition que vous empruntiez la voie de la démocratisation ».
En d’autres termes, « il s’agit pour les bailleurs de fonds de lier aide et dé-
mocratisation, la démocratisation devenant la condition pour l’octroi de
l’aide : c’est ce qu’on a appelé la conditionnalité politique ou démocratique,
à côté de la conditionnalité économico-financière déjà imposée par le FMI et
3
la banque mondiale à travers les programmes d’ajustement structurel » .
4
Dès lors, cette démocratisation en Afrique passait par la décentralisation à
5
proprement parler ; d’où la succession de conférences nationales qui avaient
été organisées dans de nombreux pays à l’effet de séduire les bailleurs de
fonds et les convaincre d’un début d’exécution des conditionnalités politico-
économico-financières imposées. La fiscalité locale s’en est d’ailleurs trou-
6
vée reconsidérée, puisque la plupart des constitutions africaines ont intégré
des dispositions sur les collectivités territoriales qui, auparavant, relevaient
du législatif.
En tout état de cause, ces conditionnalités se répandirent en Afrique à une
période où la plupart des pays de ce continent étaient dans une situation
d’extrême fragilité : outre la crise de ces années-là dans laquelle le continent
7
africain était entré « comme un marathonien lesté d’un sac de pierres » , la
Chine – qui jusque dans les années 1980 apportait une aide à des pays afri-
cains sur la base affirmée d’une solidarité Sud-Sud – venait de tourner (pro-
visoirement) le dos au continent, sans doute pour aller « réfléchir », s’auto-
développer, et ensuite revenir à partir des années 2000 sur un terrain dont elle
avait désormais la parfaite maîtrise…

3 M. Omballa, « Les bailleurs de fonds bilatéraux et la conditionnalité démocratique en
Afrique noire francophone : le cas de la France et du Canada » [Ressource électronique],
p. 85, disponible sur : www.francophonie-durable.org/documents/colloque-ouaga-a5-
omballa[1].pdf (consulté le 19 février 2012).
4 Au sens d’un transfert de compétences et de ressources financières suffisantes à leur
exercice, de l’État central à la base, c'est-à-dire à des collectivités territoriales reconnues
en tant que telles et ce, au regard de leur territoire, leur élection effective, leur
personnalité juridique, caractéristiques auxquelles s’ajoute une autonomie financière
avérée.
5 La première de ces conférences dite Conférence des Forces Vives de la Nation a eu lieu
au Bénin du 19 au 28 février 1990. D’autres pays en mal de gouvernance démocratique
suivront le Bénin dans cette démarche : le Congo Brazzaville du 25 février au 10 juin
1991 ; le Gabon du 27 mars au 19 avril ; le Togo du 10 juillet au 27 août ; le Mali du 29
juillet au 12 août 1991 ; le Niger du 29 juillet au 3 novembre 1991 ; le Zaïre du 7 août
1991 au 6 décembre 1992 ; le Tchad du 15 janvier au 7 avril 1993.
6 Voir à titre d’exemples, les articles 101, 143 à 145 de la Constitution du Burkina Faso
du 20 septembre 2004 ; les articles 98, 150 à 153 de la République du Bénin du 11
décembre 1990 ; les articles 174 à 177 de la Constitution de la République du Congo du
20 janvier 2002 ou encore, et pour ne citer que les Constitutions ci-visées, les articles 26 c
(3) et 55 de la Constitution camerounaise.
o
7 Ph. Seguin, « Allocution de clôture », RFFP, n 108, octobre 2009, p. 92.

RIMD – n o 3 – 2012
   38   39   40   41   42   43   44   45   46   47   48