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Revue de l’Institut du Monde et du Développement | 13
II. La « dépendance »
Dans les années 1960 commence aussi à se développer un courant plus critique
du réformisme de la CEPAL, connu sous le nom de « théories de la dépen-
dance ». Ses partisans voient dans le sous-développement le résultat de
l’incorporation forcée des pays de la périphérie dans le système capitaliste mon-
8
dial. Oman et Wignaraja distinguent trois courants au sein de cette pensée.
D’une part, un courant réformiste (Furtado, Sunkel), pour qui le sous-dévelop-
pement n’est pas une phase nécessaire dans le développement capitaliste, mais
un processus historique autonome. Les pays de la périphérie et notamment ceux
d’Amérique latine restent trop dépendants des relations économiques extérieures,
plus particulièrement au niveau des financements et du rôle des entreprises mul-
tinationales. Par conséquent, ils doivent réorienter leurs politiques vers un déve-
loppement national, moyennant des réformes structurelles et une redistribution
des revenus.
D’autre part, un courant plus radical (Frank, Marini, Dos Santos) qui trouve son
9
origine dans les théories développées dans les années 1950 par Baran , le pre-
mier à avoir adapté la pensée marxiste à la réalité des pays pauvres. Selon ces
auteurs, le développement économique de la périphérie est contraire aux intérêts
des groupes dominants des pays industrialisés et ces groupes vont donc s’allier
aux élites locales afin de pouvoir s’approprier ensemble les surplus écono-
miques. Pour ces penseurs, le sous-développement et le développement sont
deux faces d’un même processus universel. Frank parle du « développement du
sous-développement », impliquant que c’est le développement capitaliste dans
les pays industrialisés qui est à l’origine des structures sous-développées du Tiers
Monde et qui continue de les reproduire. Pour lui, la seule issue possible du
sous-développement est la révolution socialiste.
Enfin, un troisième courant est représenté par Cardoso et Faletto et se distingue
des autres courants en refusant d’admettre l’incompatibilité entre dépendance et
développement. Ils nient la possibilité d’une théorie générale de la dépendance et
concentrent leur analyse sur les situations concrètes. Ils conçoivent la possibilité
d’un développement dépendant dans lequel les entreprises multinationales jouent
un rôle central.
III. Les styles de développement
Dans les années 1970, la décennie où la pensée sur le développement intégra une
dimension sociale, la CEPAL élabora un concept de « style de développement »,
8 C. P. Oman, G. Wignaraja, L’évolution de la pensée économique sur le développement depuis 1945,
Paris, OCDE, 1991.
9 P. Baran, « On the political economy of backwardness », The Manchester School, January 1952.
RIMD – n o 2 – 2011
II. La « dépendance »
Dans les années 1960 commence aussi à se développer un courant plus critique
du réformisme de la CEPAL, connu sous le nom de « théories de la dépen-
dance ». Ses partisans voient dans le sous-développement le résultat de
l’incorporation forcée des pays de la périphérie dans le système capitaliste mon-
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dial. Oman et Wignaraja distinguent trois courants au sein de cette pensée.
D’une part, un courant réformiste (Furtado, Sunkel), pour qui le sous-dévelop-
pement n’est pas une phase nécessaire dans le développement capitaliste, mais
un processus historique autonome. Les pays de la périphérie et notamment ceux
d’Amérique latine restent trop dépendants des relations économiques extérieures,
plus particulièrement au niveau des financements et du rôle des entreprises mul-
tinationales. Par conséquent, ils doivent réorienter leurs politiques vers un déve-
loppement national, moyennant des réformes structurelles et une redistribution
des revenus.
D’autre part, un courant plus radical (Frank, Marini, Dos Santos) qui trouve son
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origine dans les théories développées dans les années 1950 par Baran , le pre-
mier à avoir adapté la pensée marxiste à la réalité des pays pauvres. Selon ces
auteurs, le développement économique de la périphérie est contraire aux intérêts
des groupes dominants des pays industrialisés et ces groupes vont donc s’allier
aux élites locales afin de pouvoir s’approprier ensemble les surplus écono-
miques. Pour ces penseurs, le sous-développement et le développement sont
deux faces d’un même processus universel. Frank parle du « développement du
sous-développement », impliquant que c’est le développement capitaliste dans
les pays industrialisés qui est à l’origine des structures sous-développées du Tiers
Monde et qui continue de les reproduire. Pour lui, la seule issue possible du
sous-développement est la révolution socialiste.
Enfin, un troisième courant est représenté par Cardoso et Faletto et se distingue
des autres courants en refusant d’admettre l’incompatibilité entre dépendance et
développement. Ils nient la possibilité d’une théorie générale de la dépendance et
concentrent leur analyse sur les situations concrètes. Ils conçoivent la possibilité
d’un développement dépendant dans lequel les entreprises multinationales jouent
un rôle central.
III. Les styles de développement
Dans les années 1970, la décennie où la pensée sur le développement intégra une
dimension sociale, la CEPAL élabora un concept de « style de développement »,
8 C. P. Oman, G. Wignaraja, L’évolution de la pensée économique sur le développement depuis 1945,
Paris, OCDE, 1991.
9 P. Baran, « On the political economy of backwardness », The Manchester School, January 1952.
RIMD – n o 2 – 2011