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12 | Repenser le développement en Amérique latine

politiques néo-monétaristes introduites dans les années 1980 par les institutions
financières internationales. Il fut entamé en 1955 à l’occasion d’une mission de
consultants nord-américains au Chili, en vue de mettre en œuvre un programme
de stabilisation. Selon les monétaristes, l’inflation est un phénomène purement
monétaire provoqué par une demande excessive et il suffit donc d’intervenir au
niveau de cette demande afin de faire baisser l’inflation. Pour les structuralistes,
en revanche, l’inflation est un phénomène structurel lié non seulement aux évé-
nements économiques, mais également aux aspects sociaux et politiques qui
caractérisent le problème du développement du Tiers Monde. Selon ces derniers,
une intervention au niveau de la demande peut certes stopper la diffusion de
l’inflation, mais une telle politique ne s’attaque pas aux racines du problème et
provoque la stagnation, le chômage et une plus grande inégalité des revenus.
C’est pourquoi ils proposent des changements structurels du système de produc-
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tion et de la distribution des revenus .
Cette pensée – appelée aussi « développementaliste » – selon laquelle l’État doit
jouer un rôle central pour combler les déficiences du marché – a été la première
tentative d’élaboration dans le Tiers Monde lui-même d’une théorie hétérodoxe
sur le développement. Cette approche structuraliste et développementaliste est en
7
fait partagée par la plupart des pionniers du développement . Cette théorie a
donné lieu à une politique de substitution à l’importation et à l’industrialisation
de pays comme l’Argentine, le Brésil, la Colombie, le Chili et le Mexique.
Cependant, les limites de ces politiques se manifestent assez vite et les premières
critiques furent formulées au sein de la CEPAL dès le début des années 1960. En
effet, force est de constater que ces politiques à défaut de n’avoir pas résolu les
problèmes, semblaient les avoir aggravés. Le développement vers l’intérieur
n’avait pas diversifié les exportations tandis que les importations nécessaires de
biens d’équipement demandaient des sommes de devises que les secteurs tradi-
tionnels d’exportation ne pouvaient générer. La dette extérieure ne cessait
d’augmenter. Plusieurs économistes estimaient que la phase facile des politiques
de substitution à l’importation était épuisée et que contrairement à l’évolution
constatée dans les pays du centre, en Amérique latine, le processus de croissance
industrielle était bloqué. Les raisons en étaient, une fois de plus, de nature struc-
turelle, liées à la dualité des structures de production, à l’absence d’un grand
marché intérieur ou à la distribution inégale des bénéfices du progrès technolo-
gique. Dès lors, les politiques seront réorientées vers les exportations non tradi-
tionnelles, notamment de produits manufacturés, vers les pays industrialisés et
vers ceux de la périphérie. Un nouvel accent sera mis sur l’intégration régionale
et sur la réforme agraire.

6 M. Delano, H. Traslavina, La herencia de los Chicago Boys, Santiago de Chile, éditions. Del
Ornitorrinco, 1989.
7 G. Meier, D. Seers., 1984, op.cit., avec des contributions de Lord Bauer, C. Clark, A. O. Hirschman,
Sir Arthur Lewis, G. Myrdal, R. Prebisch, P. Rosenstein-Rodan, W. Whitman Rostow, H. W. Singer
et J. Tinbergen.

RIMD – n o 2 – 2011
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