Page 24 - RIMD_4
P. 24
24 R e v u ed el ’ I n s t i t u td uM o n d ee td udéveloppement

Pirate vient du grec « peiratès » qui désigne ceux qui cherchent fortune.
Dans l’inconscient populaire, les pirates déclenchent une certaine sympa-
thie liée aux différents avatars des flibustiers, boucaniers et autres corsaires.
Il ne faut pas cependant oublier que les pirates de l’époque étaient pendus
haut et court sans autre forme de procès. Ceux qui nous occupent n’ont pas
l’élégance de Jack Sparrow. Ce sont des va-nu-pieds instrumentalisés par des
responsables de plus en plus professionnels qu’il s’agisse des investisseurs,
des dirigeants ou des négociateurs. Il y aurait une quinzaine d’investisseurs
permettant le soutien logistique, une cinquantaine de dirigeants montant
les opérations, une centaine de chefs d’équipe menant les attaques et 2000 à
3000 pirates de base. Ces quatre niveaux de responsabilités sont liés par des
contrats en cascade définissant notamment la répartition des gains.
La base est en général somalienne, mais il y a des complicités extérieures
notamment au yémen.
Le moteur de la piraterie est l’appât du gain. Le but est de revenir riche tout
en restant vivant. On estime à 60 % les gains qui restent en Somalie où l’on
voit des véhicules 4x4 rutilants et de belles demeures se multiplier jusque
dans les villages de pêcheurs. Le Kenya et la Tanzanie profitent aussi de
retombées de la piraterie. Le business model de la piraterie lié à l’organi-
sation clanique de la société locale assure une redistribution des richesses
avec des effets pervers. L’économie traditionnelle somalienne s’est orientée
progressivement vers le soutien des pirates, notamment avec la gestion de
la garde des navires.
En effet, les zones de détention des navires capturés, qui avec les camps lo-
gistiques des pirates jalonnent les côtes du Puntland, font appel à une main
d’œuvre locale. La piraterie est incompatible avec le développement de la
pêche et des activités portuaires. Elle transforme rapidement les premières
retombées positives en conséquences négatives qui s’expriment à travers le
développement d’économies mafieuses.
Les pirates ont commencé par lancer leurs attaques à partir de la côte avec
de petits canots mis à l’eau sur des plages leur servant de bases logistiques.
Mais désormais les pirates n’utilisent pas que de frêles embarcations pour
perpétrer leurs crimes. Ils font aussi usage de bateaux bases (Mother Ships
– navires mères) préalablement capturés (ou empruntés...). Il peut s’agir de
boutres yéménites, iraniens, pakistanais très présents dans la zone, aussi
bien que des navires de pêche asiatiques. Ce procédé permet aux pirates de
s’affranchir de la météorologie qui limite l’emploi des petits canots et d’opé-
rer en toute saison jusqu’à des distances très importantes des côtes soma-
liennes. Ainsi la marine indienne a capturé des pirates somaliens non loin
de ses propres côtes, soit à plus de 1.000 nautiques (soit 1852 kilomètres)
de la Somalie. Les navires capturés ces dernières années sont de toutes les
tailles, les plus gros mesurent jusqu’à 300 mètres de long. Ces derniers sont
d’autant plus vulnérables qu’ils ne sont servis que par un équipage restreint
o
RIMD–n 4–2013
   19   20   21   22   23   24   25   26   27   28   29