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Revue de l’Institut du Monde et du Développement | 73
texte, la participation de la société civile, apparaît comme un moyen mis en place
par le haut pour remédier à la difficulté des élus de faire passer leur décision
auprès des populations, sans grand succès par ailleurs. Certes des exceptions
existent, et on peut observer ici et là des mouvements novateurs qui agissent en
faveur de la démocratie au niveau local.
En Afrique, l’intérêt collectif est enraciné dans une autre histoire et est guidé par
un imaginaire fort différent de l’imaginaire occidental. Le primat du groupe
traditionnel, fondé sur des considérations d’ordre naturel ou religieux est tou-
jours à l’ordre du jour, en dépit de l’urbanisation qui affaiblit les structures
communautaires traditionnelles. L’imaginaire traditionnel se déplace dans les
nouvelles formes collectives impulsées de l’Occident, les pouvoirs locaux, les
6
ONG et les syndicats, qui fonctionnent avec des critères traditionnels . Les pou-
voirs locaux ont tendance à privilégier davantage les membres de leur parentèle
que ceux de la commune. Cependant, l’obstacle politique le plus important pour
qu’ils deviennent des acteurs de développement, est la difficulté collective
d’imaginer le changement et de le mettre en œuvre. À l’image des pouvoirs tradi-
tionnels, ils agissent davantage en faveur de la préservation de l’ordre social que
7
de sa transformation .
D’une manière générale, la décentralisation semble être vécue par les élus locaux
comme une opportunité de création de postes de pouvoir accessibles aux nou-
8
velles élites : avocats, médecins, architectes . À l’image des hommes d’État, leur
légitimité auprès des populations n’est pas acquise, celle des pouvoirs tradition-
nels étant, elle, toujours en vigueur. Souvent, les élus locaux sont obligés de
solliciter l’aide de ces derniers pour faire passer une décision.
L’injonction des bailleurs de fonds stipulant la nécessité de la « participation de
la société civile » se heurte à des problèmes relevant de la volonté mitigée des
populations à participer à la prise de la décision politique. Les instances mises en
place dans cette perspective ressemblent davantage à des mises en scène qu’à des
assemblées où les populations ont quelque chose à proposer. Notons aussi, la
montée en puissance des cupidités financières et de la criminalité économique
qui non seulement font obstacle à l’émergence d’une préoccupation d’ordre
d'intérêt général, mais détruisent les solidarités traditionnelles.
Sans doute des volontés individuelles exprimant des idées nouvelles, au sujet
d’un certain intérêt collectif, se dessinent-elles ici et là, mais il est difficile à
l’heure actuelle de présager de leur impact dans la société.
En guise de conclusion, on oserait avancer que le rôle attendu des collectivités
territoriales n’est pas naturel, du fait de leur proximité avec les populations.
6 Cf. A. Fogou « Sociétés civiles et ordres politiques hybrides » in S. Mappa, Les impensés de la
gouvernance, op.cit.
o
7 Cf. S. Mappa, « Le pouvoir comme rapport à l’action » in La Lettre du Forum de Delphes, n 82,
juillet/août, 2009
8 Cf. Jean-Pierre Jacob « Comment les politiques publiques prennent-elles corps ? » in S. Mappa, Les
impensés de la gouvernance, op.cit.
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texte, la participation de la société civile, apparaît comme un moyen mis en place
par le haut pour remédier à la difficulté des élus de faire passer leur décision
auprès des populations, sans grand succès par ailleurs. Certes des exceptions
existent, et on peut observer ici et là des mouvements novateurs qui agissent en
faveur de la démocratie au niveau local.
En Afrique, l’intérêt collectif est enraciné dans une autre histoire et est guidé par
un imaginaire fort différent de l’imaginaire occidental. Le primat du groupe
traditionnel, fondé sur des considérations d’ordre naturel ou religieux est tou-
jours à l’ordre du jour, en dépit de l’urbanisation qui affaiblit les structures
communautaires traditionnelles. L’imaginaire traditionnel se déplace dans les
nouvelles formes collectives impulsées de l’Occident, les pouvoirs locaux, les
6
ONG et les syndicats, qui fonctionnent avec des critères traditionnels . Les pou-
voirs locaux ont tendance à privilégier davantage les membres de leur parentèle
que ceux de la commune. Cependant, l’obstacle politique le plus important pour
qu’ils deviennent des acteurs de développement, est la difficulté collective
d’imaginer le changement et de le mettre en œuvre. À l’image des pouvoirs tradi-
tionnels, ils agissent davantage en faveur de la préservation de l’ordre social que
7
de sa transformation .
D’une manière générale, la décentralisation semble être vécue par les élus locaux
comme une opportunité de création de postes de pouvoir accessibles aux nou-
8
velles élites : avocats, médecins, architectes . À l’image des hommes d’État, leur
légitimité auprès des populations n’est pas acquise, celle des pouvoirs tradition-
nels étant, elle, toujours en vigueur. Souvent, les élus locaux sont obligés de
solliciter l’aide de ces derniers pour faire passer une décision.
L’injonction des bailleurs de fonds stipulant la nécessité de la « participation de
la société civile » se heurte à des problèmes relevant de la volonté mitigée des
populations à participer à la prise de la décision politique. Les instances mises en
place dans cette perspective ressemblent davantage à des mises en scène qu’à des
assemblées où les populations ont quelque chose à proposer. Notons aussi, la
montée en puissance des cupidités financières et de la criminalité économique
qui non seulement font obstacle à l’émergence d’une préoccupation d’ordre
d'intérêt général, mais détruisent les solidarités traditionnelles.
Sans doute des volontés individuelles exprimant des idées nouvelles, au sujet
d’un certain intérêt collectif, se dessinent-elles ici et là, mais il est difficile à
l’heure actuelle de présager de leur impact dans la société.
En guise de conclusion, on oserait avancer que le rôle attendu des collectivités
territoriales n’est pas naturel, du fait de leur proximité avec les populations.
6 Cf. A. Fogou « Sociétés civiles et ordres politiques hybrides » in S. Mappa, Les impensés de la
gouvernance, op.cit.
o
7 Cf. S. Mappa, « Le pouvoir comme rapport à l’action » in La Lettre du Forum de Delphes, n 82,
juillet/août, 2009
8 Cf. Jean-Pierre Jacob « Comment les politiques publiques prennent-elles corps ? » in S. Mappa, Les
impensés de la gouvernance, op.cit.
RIMD – n o 2 – 2011

