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70 | Les collectivités locales, acteurs de développement ?
lien social et la fragmentation de la société, l’affaiblissement des valeurs poli-
tiques et morales et la radicalisation des valeurs économiques, voire financières,
les mutations du pouvoir politique soumis à présent aux impératifs « des mar-
chés », le discrédit de la classe politique et l’anomie, voire l’in gouvernabilité
des sociétés qui s’ensuivent, la crise des institutions, etc. Ajoutons la conscience
de plus en plus aiguë des effets mitigés de la coopération au développement,
dont les politiques de gouvernance sont le dernier avatar, après les échecs de
nombreuses politiques occidentales mises en œuvre pour développer les pays
bénéficiaires de l’aide.
C’est dans ce contexte que les collectivités locales sont appelées à devenir des
acteurs du développement économique et à assurer la participation de la société
civile dans la prise de la décision politique. L’argument principal en faveur de ce
rôle est leur proximité avec les citoyens. Ainsi la décentralisation est présentée
comme un approfondissement de la démocratie en Occident et un moyen pour
remédier à la corruption et à l’inefficacité de l’État dans les pays bénéficiaires de
l’aide. Or la proximité à elle seule n’est pas suffisante pour ce faire et l’idée que
la décentralisation serait une solution universelle est illusoire. La diversité des
contextes sociaux, économiques, institutionnels, et culturels de la planète ne
plaide pas en faveur de son universalité. Comme l’ont fait remarquer d’autres
auteurs de ce numéro de la Revue de l’Institut du Monde et du Développement’,
la LOLF, à supposer qu’elle soit opératoire en France, ne l’est pas pour la Russie
ni pour la majorité des pays d’Afrique. Nous indiquerons à la suite de ce texte
deux conditions qui sont, à notre avis, indispensables pour que les collectivités
locales deviennent des acteurs de développement.
I. Quel développement ?
La première condition, à nos yeux, est la capacité des autorités locales d’avoir
une définition du développement et une vision de leur rôle politique pour y inter-
venir.
Nos recherches en France et dans trois pays africains (Sénégal, Mauritanie et
Mali) sur la décentralisation entre 2007 et 2009 nous amènent à penser que cette
première condition est loin d’être remplie. En France, et plus largement en Occi-
dent, le développement est encore défini en termes économiques (la croissance).
Or la crise que traversent les sociétés occidentales dévoile les apories de cette
vision : les questions écologiques deviennent de plus en plus pressantes ;
l’affaiblissement de la production réelle et la montée en puissance des logiques et
des pratiques financières diminuent les richesses nationales et creusent les inéga-
lités à l’intérieur même des pays occidentaux ; la cupidité financière et l’évasion
fiscale gagnent du terrain, au détriment de la valeur investie dans le travail ; la
concurrence est devenue un mode de vie, y compris parmi les citoyens et met en
péril aussi bien le système économique que social ; l’émergence des puissances
économiques, comme la Chine, peu soucieuses des enjeux écologiques et so-
RIMD – n o 2 – 2011
lien social et la fragmentation de la société, l’affaiblissement des valeurs poli-
tiques et morales et la radicalisation des valeurs économiques, voire financières,
les mutations du pouvoir politique soumis à présent aux impératifs « des mar-
chés », le discrédit de la classe politique et l’anomie, voire l’in gouvernabilité
des sociétés qui s’ensuivent, la crise des institutions, etc. Ajoutons la conscience
de plus en plus aiguë des effets mitigés de la coopération au développement,
dont les politiques de gouvernance sont le dernier avatar, après les échecs de
nombreuses politiques occidentales mises en œuvre pour développer les pays
bénéficiaires de l’aide.
C’est dans ce contexte que les collectivités locales sont appelées à devenir des
acteurs du développement économique et à assurer la participation de la société
civile dans la prise de la décision politique. L’argument principal en faveur de ce
rôle est leur proximité avec les citoyens. Ainsi la décentralisation est présentée
comme un approfondissement de la démocratie en Occident et un moyen pour
remédier à la corruption et à l’inefficacité de l’État dans les pays bénéficiaires de
l’aide. Or la proximité à elle seule n’est pas suffisante pour ce faire et l’idée que
la décentralisation serait une solution universelle est illusoire. La diversité des
contextes sociaux, économiques, institutionnels, et culturels de la planète ne
plaide pas en faveur de son universalité. Comme l’ont fait remarquer d’autres
auteurs de ce numéro de la Revue de l’Institut du Monde et du Développement’,
la LOLF, à supposer qu’elle soit opératoire en France, ne l’est pas pour la Russie
ni pour la majorité des pays d’Afrique. Nous indiquerons à la suite de ce texte
deux conditions qui sont, à notre avis, indispensables pour que les collectivités
locales deviennent des acteurs de développement.
I. Quel développement ?
La première condition, à nos yeux, est la capacité des autorités locales d’avoir
une définition du développement et une vision de leur rôle politique pour y inter-
venir.
Nos recherches en France et dans trois pays africains (Sénégal, Mauritanie et
Mali) sur la décentralisation entre 2007 et 2009 nous amènent à penser que cette
première condition est loin d’être remplie. En France, et plus largement en Occi-
dent, le développement est encore défini en termes économiques (la croissance).
Or la crise que traversent les sociétés occidentales dévoile les apories de cette
vision : les questions écologiques deviennent de plus en plus pressantes ;
l’affaiblissement de la production réelle et la montée en puissance des logiques et
des pratiques financières diminuent les richesses nationales et creusent les inéga-
lités à l’intérieur même des pays occidentaux ; la cupidité financière et l’évasion
fiscale gagnent du terrain, au détriment de la valeur investie dans le travail ; la
concurrence est devenue un mode de vie, y compris parmi les citoyens et met en
péril aussi bien le système économique que social ; l’émergence des puissances
économiques, comme la Chine, peu soucieuses des enjeux écologiques et so-
RIMD – n o 2 – 2011

