Page 71 - RIMD_2011-2
P. 71
Revue de l’Institut du Monde et du Développement | 71
ciaux, aggrave la fragilisation des sociétés occidentales. La crise est donc com-
plexe, mais les réponses sont, elles, techniques. En effet, elles sont largement
inspirées de ces mêmes logiques économiques qui sont à l’origine de la crise.
Les collectivités territoriales participent largement de la difficulté des élites, mais
aussi de la société de proposer des voies alternatives de développement social et
économique. Certes des courants de pensée et des pratiques sociétales se dessi-
nent déjà (la remise en question du consumérisme, de la concurrence, l’appel à la
recréation du lien social), mais pour le moment le débat politique est faible et
l’apathie des citoyens n’arrange pas les choses. La tâche des intellectuels est
précisément (ou elle devrait l’être) de clarifier ces problèmes et de participer à
l’élaboration collective des voies alternatives de développement, en l’occurrence
au niveau local.
Dans les pays bénéficiaires de l’aide, l’image du « développement » vient large-
ment de l’extérieur, des pays occidentaux. Il y a peu d’acteurs sociaux et poli-
tiques qui mettent en avant des pensées et des actions en faveur d’un développe-
ment issu de l’intérieur et fondé sur la volonté des acteurs locaux. Or pour des
1
raisons que nous avons analysées par le passé , le développement économique
occidental est une alchimie complexe issue de l’histoire et d’un imaginaire social
2
particuliers qui ne s’exportent pas . Les autorités locales que nous avons rencon-
trées pendant nos recherches dans les trois pays africains mentionnés, comme
d’ailleurs les hommes d’État de ces mêmes pays, ont une faible lisibilité de
3
l’économie occidentale qu’ils souhaitent voir s’installer chez eux . Mais elles ont
aussi une faible lisibilité de leurs propres sociétés et imaginent mal les actions
qu’elles pourraient entreprendre par elles-mêmes en fonction du potentiel local.
Les solutions sont largement attendues des bailleurs de fonds, et elles ont du mal
à se mettre en œuvre. La décentralisation elle-même, importée des différents
pays occidentaux, n’est pas toujours comprise, ni par les élus ni par la popula-
tion. Les lois qui régissent la décentralisation sont largement méconnues ou
connues en théorie et difficilement applicables dans le contexte local. Il est à
noter que ces lois n’ont pas de légitimité à leurs yeux. Elles sont considérées
4
comme des mesures administratives, la seule loi légitime étant la loi coranique .
Outre la difficulté d’imaginer et d’agir en faveur d’un développement issu de
l’intérieur, la difficulté financière pour mettre en œuvre des actions au niveau
local est un frein considérable. Les taxes sont difficilement acceptées par les
populations locales et certains élus locaux admettent qu’ils ont parfois recours à
1 Cf. entre autres notre livre Le savoir occidental au défi des cultures africaines : former pour
changer ? Paris, Karthala, 2006 et « les apories de l’appropriation » in C. Castellanet et G.Aznal
o
(coord.) L’efficacité de l’aide, Coordination Sud et Gret, n 3, juillet 2010, pp. 81-89.
2 Cf. aussi Douglas North et al, Violence et Ordres sociaux, édition française Paris, Gallimard, 2010
3 Lors des débats que nous avons eus avec les élus locaux africains, pendant deux ans, nous avons eu
du mal à expliquer ce qu’est une activité économique productive. Leur appui, financé en général de
l’extérieur, est orienté vers des activités de prestige (hôtels) commerciales ou des services de base
comme la propreté de la commune.
4 Ces questions ont été largement débattues dans la publication collective que nous avons dirigée, S.
Mappa, Les impensés de la Gouvernance, la société civile, réponse à la crise ? Paris, Karthala, 2009.
RIMD – n o 2 – 2011
ciaux, aggrave la fragilisation des sociétés occidentales. La crise est donc com-
plexe, mais les réponses sont, elles, techniques. En effet, elles sont largement
inspirées de ces mêmes logiques économiques qui sont à l’origine de la crise.
Les collectivités territoriales participent largement de la difficulté des élites, mais
aussi de la société de proposer des voies alternatives de développement social et
économique. Certes des courants de pensée et des pratiques sociétales se dessi-
nent déjà (la remise en question du consumérisme, de la concurrence, l’appel à la
recréation du lien social), mais pour le moment le débat politique est faible et
l’apathie des citoyens n’arrange pas les choses. La tâche des intellectuels est
précisément (ou elle devrait l’être) de clarifier ces problèmes et de participer à
l’élaboration collective des voies alternatives de développement, en l’occurrence
au niveau local.
Dans les pays bénéficiaires de l’aide, l’image du « développement » vient large-
ment de l’extérieur, des pays occidentaux. Il y a peu d’acteurs sociaux et poli-
tiques qui mettent en avant des pensées et des actions en faveur d’un développe-
ment issu de l’intérieur et fondé sur la volonté des acteurs locaux. Or pour des
1
raisons que nous avons analysées par le passé , le développement économique
occidental est une alchimie complexe issue de l’histoire et d’un imaginaire social
2
particuliers qui ne s’exportent pas . Les autorités locales que nous avons rencon-
trées pendant nos recherches dans les trois pays africains mentionnés, comme
d’ailleurs les hommes d’État de ces mêmes pays, ont une faible lisibilité de
3
l’économie occidentale qu’ils souhaitent voir s’installer chez eux . Mais elles ont
aussi une faible lisibilité de leurs propres sociétés et imaginent mal les actions
qu’elles pourraient entreprendre par elles-mêmes en fonction du potentiel local.
Les solutions sont largement attendues des bailleurs de fonds, et elles ont du mal
à se mettre en œuvre. La décentralisation elle-même, importée des différents
pays occidentaux, n’est pas toujours comprise, ni par les élus ni par la popula-
tion. Les lois qui régissent la décentralisation sont largement méconnues ou
connues en théorie et difficilement applicables dans le contexte local. Il est à
noter que ces lois n’ont pas de légitimité à leurs yeux. Elles sont considérées
4
comme des mesures administratives, la seule loi légitime étant la loi coranique .
Outre la difficulté d’imaginer et d’agir en faveur d’un développement issu de
l’intérieur, la difficulté financière pour mettre en œuvre des actions au niveau
local est un frein considérable. Les taxes sont difficilement acceptées par les
populations locales et certains élus locaux admettent qu’ils ont parfois recours à
1 Cf. entre autres notre livre Le savoir occidental au défi des cultures africaines : former pour
changer ? Paris, Karthala, 2006 et « les apories de l’appropriation » in C. Castellanet et G.Aznal
o
(coord.) L’efficacité de l’aide, Coordination Sud et Gret, n 3, juillet 2010, pp. 81-89.
2 Cf. aussi Douglas North et al, Violence et Ordres sociaux, édition française Paris, Gallimard, 2010
3 Lors des débats que nous avons eus avec les élus locaux africains, pendant deux ans, nous avons eu
du mal à expliquer ce qu’est une activité économique productive. Leur appui, financé en général de
l’extérieur, est orienté vers des activités de prestige (hôtels) commerciales ou des services de base
comme la propreté de la commune.
4 Ces questions ont été largement débattues dans la publication collective que nous avons dirigée, S.
Mappa, Les impensés de la Gouvernance, la société civile, réponse à la crise ? Paris, Karthala, 2009.
RIMD – n o 2 – 2011

