Page 22 - RIMD_2011-2
P. 22
22 | Repenser le développement en Amérique latine
aujourd’hui d’une grande partie du secteur informel dans tous les pays
d’Amérique latine.
C’est pourquoi les peuples indigènes sont souvent parmi les plus grands oppo-
e
sants du nouveau « socialisme » du XXI siècle et refusent tout type de « déve-
loppement », voire rejettent la « modernité ». C’est le cas en Équateur, et c’est de
plus en plus souvent le cas en Bolivie où le président est pourtant lui-même un
ancien leader indigène.
Le postdéveloppement a toujours eu un certain succès en Amérique latine. Sous
33
l’influence de penseurs tels Arturo Escobar , le développement est alors vu
comme un discours – et rien qu’un discours – aux capacités performatives, c’est-
à-dire, en mesure de créer le monde qui est décrit. Le « développement » n’est
pas dénoncé pour ce qu’il manque de faire, mais pour ces intentions. Il ne peut
donc s’agir de chercher un développement alternatif, mais plutôt de chercher une
alternative au développement. Ce qu’il faut craindre, dit-on, ce ne sont pas les
défaillances du développement, mais son succès.
Deuxièmement, de cette façon, le « postdéveloppement » ignore la misère réel-
lement existante dans le Tiers Monde et même si celle-ci peut être la consé-
quence d’un certain type de développement, rien n’indique qu’elle ne peut pas
disparaître avec un autre type de développement. Le postdéveloppement consi-
dère la « pauvreté » souvent comme une vertu, dès que la grande misère est éli-
minée. La grande majorité de la population mondiale est ainsi condamnée à une
sorte de pauvreté choisie, tandis que le Nord continue de vivre avec une richesse
décadente.
Troisièmement, le postdéveloppement est caractérisé par un manque de con-
fiance en la capacité d’action des peuples du Tiers Monde. En effet, les groupes
sociaux peuvent agir et réagir à des pratiques qui leur sont imposées, ils peuvent
chercher des solutions pour des problèmes qui se présentent, et ainsi ils peuvent
arriver à des solutions et à un autre type de développement.
Quatrièmement, aussi sceptique que l’on peut être à l’égard du développement
technologique, faut-il pour autant rejeter a priori toutes les nouvelles inven-
tions ? Pourquoi refuser a priori le stockage de CO2, la désalinisation de l’eau de
mer ou un système d’irrigation efficace ? Si on peut questionner la nanotechno-
logie ou les organismes génétiquement modifiés, un débat transparent et démo-
cratique pourrait résoudre beaucoup de problèmes réels ou non réels.
Aujourd’hui, c’est la modernité dans son ensemble qui est de plus en plus reje-
tée. Après l’échec du sommet de l’ONU à Copenhague en 2009, le président
bolivien a organisé un « sommet des peuples » à Cochabamba où le concept de la
« terre-mère » fut consacré, l’idée des droits de la nature fut défendue et où fut
prônée une « vie en harmonie avec la nature ». Tous ces concepts sont très con-
33 A. Escobar, Encountering Development. The making and unmaking of the Third World, Princeton,
Princeton University Press, 1995.
RIMD – n o 2 – 2011
aujourd’hui d’une grande partie du secteur informel dans tous les pays
d’Amérique latine.
C’est pourquoi les peuples indigènes sont souvent parmi les plus grands oppo-
e
sants du nouveau « socialisme » du XXI siècle et refusent tout type de « déve-
loppement », voire rejettent la « modernité ». C’est le cas en Équateur, et c’est de
plus en plus souvent le cas en Bolivie où le président est pourtant lui-même un
ancien leader indigène.
Le postdéveloppement a toujours eu un certain succès en Amérique latine. Sous
33
l’influence de penseurs tels Arturo Escobar , le développement est alors vu
comme un discours – et rien qu’un discours – aux capacités performatives, c’est-
à-dire, en mesure de créer le monde qui est décrit. Le « développement » n’est
pas dénoncé pour ce qu’il manque de faire, mais pour ces intentions. Il ne peut
donc s’agir de chercher un développement alternatif, mais plutôt de chercher une
alternative au développement. Ce qu’il faut craindre, dit-on, ce ne sont pas les
défaillances du développement, mais son succès.
Deuxièmement, de cette façon, le « postdéveloppement » ignore la misère réel-
lement existante dans le Tiers Monde et même si celle-ci peut être la consé-
quence d’un certain type de développement, rien n’indique qu’elle ne peut pas
disparaître avec un autre type de développement. Le postdéveloppement consi-
dère la « pauvreté » souvent comme une vertu, dès que la grande misère est éli-
minée. La grande majorité de la population mondiale est ainsi condamnée à une
sorte de pauvreté choisie, tandis que le Nord continue de vivre avec une richesse
décadente.
Troisièmement, le postdéveloppement est caractérisé par un manque de con-
fiance en la capacité d’action des peuples du Tiers Monde. En effet, les groupes
sociaux peuvent agir et réagir à des pratiques qui leur sont imposées, ils peuvent
chercher des solutions pour des problèmes qui se présentent, et ainsi ils peuvent
arriver à des solutions et à un autre type de développement.
Quatrièmement, aussi sceptique que l’on peut être à l’égard du développement
technologique, faut-il pour autant rejeter a priori toutes les nouvelles inven-
tions ? Pourquoi refuser a priori le stockage de CO2, la désalinisation de l’eau de
mer ou un système d’irrigation efficace ? Si on peut questionner la nanotechno-
logie ou les organismes génétiquement modifiés, un débat transparent et démo-
cratique pourrait résoudre beaucoup de problèmes réels ou non réels.
Aujourd’hui, c’est la modernité dans son ensemble qui est de plus en plus reje-
tée. Après l’échec du sommet de l’ONU à Copenhague en 2009, le président
bolivien a organisé un « sommet des peuples » à Cochabamba où le concept de la
« terre-mère » fut consacré, l’idée des droits de la nature fut défendue et où fut
prônée une « vie en harmonie avec la nature ». Tous ces concepts sont très con-
33 A. Escobar, Encountering Development. The making and unmaking of the Third World, Princeton,
Princeton University Press, 1995.
RIMD – n o 2 – 2011