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148 | Le péril jaune est en nous
repas du Mikado, encore le péril jaune ! où l’empereur du Japon, fourchette et
sabre aux poings, s’apprête à dévorer les têtes des dirigeants des grandes puis-
61
sances . Si l’image du Japon est au plus haut, celle de la Chine est au plus bas
car elle n’est plus perçue comme une menace directe par la majorité des carica-
turistes. Victor Bérard explique que la Chine résignée semblait prête à se plier
aux caprices de ses agresseurs européens, mais que soudain, avec le déclen-
chement de la guerre russo-japonaise, son rêve le plus fou, celui d’un sauveur
miraculeux, se réalise : « Elle a vu sur la plage éblouissante et plate, s’avancer
le vengeur que son amour rêva ! Le beau guerrier vêtu de lames et de
62
plaques ! » C’est la révolte de l’Asie qui commence. Comme le conflit se
déroule sur le territoire de la Chine, la caricature nous la montre malmenée par
les deux belligérants.
XIV. Le premier soufflet donné à l’autre race
En décembre 1904 les Japonais prennent la colline 203 qui surplombe la rade
de Port-Arthur, ce qui leur permet d’anéantir la flotte russe qui s’y trouve. Le 2
janvier 1905, lassé, Stoessel, défenseur russe de la place forte, capitule. C’est
la première fois qu’un peuple de couleur parvient à battre une puissance occi-
dentale. Avec la chute de Port-Arthur, c’est le symbole de la suprématie des
Blancs qui vole en éclats. Dans la caricature, Guillaume II nous est présenté en
statue de prophète Daniel de la cathédrale de Metz, déroulant un parchemin sur
63
lequel on peut lire « péril jaune » . D’un air entendu, il nous invite une nou-
velle fois à réfléchir à cette question d’actualité, et ce d’autant plus que les
derniers événements viennent confirmer ses prophéties. Rappelons qu’en mai
1903, le Kaiser avait inauguré en grande pompe le nouveau portail de la cathé-
drale de Metz où l’architecte, M. Tornow, avait donné les traits de l’auguste
empereur d’Allemagne au prophète Daniel ornant le portail. Orens s’est donc
souvenu de ce détail piquant lors de la réalisation de cette gravure.
Après la chute de Port-Arthur, la menace japonaise devient plus crédible. Dans
les ports du Japon, des Européens assistent au débarquement des prisonniers
russes. Face au triomphe des Jaunes, les Blancs éprouvent un profond senti-
ment d’humiliation. Charles Pettit, correspondant du Temps, écrit : « Quel
triomphe et quelle revanche pour les petits nippons de voir ainsi humiliés ces
grands et beaux hommes qui, pour eux, ne représentaient pas seulement les
Russes, mais surtout quelques-uns de ces Européens qu’ils détestent tant. Cette
scène tragique dans sa simplicité, cette douleur passant dans cette joie, ces
blancs vaincus et captifs défilant devant ces jaunes triomphants et libres, ce
o
61 Mille, série L'Arc-en-Ciel, n 1.
62 V. Bérard, La révolte de l'Asie, Paris, 1904.
63 Panthéon Orens n 10, 1905, par Orens, eau-forte tirée à 250 exemplaires.
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RIMD – n o 3 – 2012
repas du Mikado, encore le péril jaune ! où l’empereur du Japon, fourchette et
sabre aux poings, s’apprête à dévorer les têtes des dirigeants des grandes puis-
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sances . Si l’image du Japon est au plus haut, celle de la Chine est au plus bas
car elle n’est plus perçue comme une menace directe par la majorité des carica-
turistes. Victor Bérard explique que la Chine résignée semblait prête à se plier
aux caprices de ses agresseurs européens, mais que soudain, avec le déclen-
chement de la guerre russo-japonaise, son rêve le plus fou, celui d’un sauveur
miraculeux, se réalise : « Elle a vu sur la plage éblouissante et plate, s’avancer
le vengeur que son amour rêva ! Le beau guerrier vêtu de lames et de
62
plaques ! » C’est la révolte de l’Asie qui commence. Comme le conflit se
déroule sur le territoire de la Chine, la caricature nous la montre malmenée par
les deux belligérants.
XIV. Le premier soufflet donné à l’autre race
En décembre 1904 les Japonais prennent la colline 203 qui surplombe la rade
de Port-Arthur, ce qui leur permet d’anéantir la flotte russe qui s’y trouve. Le 2
janvier 1905, lassé, Stoessel, défenseur russe de la place forte, capitule. C’est
la première fois qu’un peuple de couleur parvient à battre une puissance occi-
dentale. Avec la chute de Port-Arthur, c’est le symbole de la suprématie des
Blancs qui vole en éclats. Dans la caricature, Guillaume II nous est présenté en
statue de prophète Daniel de la cathédrale de Metz, déroulant un parchemin sur
63
lequel on peut lire « péril jaune » . D’un air entendu, il nous invite une nou-
velle fois à réfléchir à cette question d’actualité, et ce d’autant plus que les
derniers événements viennent confirmer ses prophéties. Rappelons qu’en mai
1903, le Kaiser avait inauguré en grande pompe le nouveau portail de la cathé-
drale de Metz où l’architecte, M. Tornow, avait donné les traits de l’auguste
empereur d’Allemagne au prophète Daniel ornant le portail. Orens s’est donc
souvenu de ce détail piquant lors de la réalisation de cette gravure.
Après la chute de Port-Arthur, la menace japonaise devient plus crédible. Dans
les ports du Japon, des Européens assistent au débarquement des prisonniers
russes. Face au triomphe des Jaunes, les Blancs éprouvent un profond senti-
ment d’humiliation. Charles Pettit, correspondant du Temps, écrit : « Quel
triomphe et quelle revanche pour les petits nippons de voir ainsi humiliés ces
grands et beaux hommes qui, pour eux, ne représentaient pas seulement les
Russes, mais surtout quelques-uns de ces Européens qu’ils détestent tant. Cette
scène tragique dans sa simplicité, cette douleur passant dans cette joie, ces
blancs vaincus et captifs défilant devant ces jaunes triomphants et libres, ce
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61 Mille, série L'Arc-en-Ciel, n 1.
62 V. Bérard, La révolte de l'Asie, Paris, 1904.
63 Panthéon Orens n 10, 1905, par Orens, eau-forte tirée à 250 exemplaires.
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